Jules Méline, le dernier souffle d’un républicain agrairien

Rédigé le 01/12/2025
Chantal Morel

Dernier épisode de la série consacrée à Jules Méline par Céline Cadieu-Dumont, Directrice des Archives départementales des Vosges à  l’occasion du centenaire de la disparition  de cet homme politique majeur, profondément enraciné dans les Vosges et acteur influent de la Troisième République. Dans cette séquence, elle met en avant l'attachement pour la terre, de celui qui fut entre autres ministre de l'agriculture. Le dernier souffle d’un républicain agrairien À l’automne de sa vie politique, Jules Méline, figure emblématique de la Troisième République, choisit de ne pas se représenter aux élections cantonales de 1907. À 69 ans, après 36 années d’engagement local, il laisse derrière lui une empreinte durable dans les Vosges et au-delà. Sénateur depuis 1903, il sera réélu en 1909 puis en 1920, preuve d’un soutien populaire constant malgré les évolutions politiques du pays. Méline ne quitte pas pour autant la scène nationale. En pleine Première Guerre mondiale, il est rappelé au gouvernement comme ministre de l’Agriculture (1915–1916), plus de trente ans après son premier mandat. Ce retour illustre son influence persistante et son expertise reconnue dans les affaires agricoles, domaine qu’il n’a jamais cessé de défendre. Son combat pour la terre se poursuit aussi par la plume. En 1905, il publie Le retour à la terre et la surproduction industrielle, une critique de l’industrialisation galopante et de ses effets pervers : surproduction, concurrence exacerbée, déséquilibres sociaux. Méline y prône un retour à l’agriculture, qu’il considère comme le socle de la stabilité nationale. En 1919, il approfondit cette vision dans Le salut par la terre, où il propose un programme économique ambitieux : protectionnisme agricole, soutien aux petits exploitants, réformes fiscales et sociales. Il y voit l’agriculture comme le pilier de la reconstruction post-guerre. Même à 87 ans, quelques mois avant sa mort en 1925, Méline intervient au Sénat pour défendre une régulation fine du marché des céréales. Ce dernier discours témoigne de sa constance et de sa passion pour les questions agricoles. Mais Méline n’est pas seulement un homme de la terre. Vosgien d’origine, il est lié par mariage à la puissante industrie cotonnière locale. Son action politique a largement favorisé ce secteur, notamment par la loi du double tarif de 1892, qui met fin au libre-échange et instaure une protection douanière. Il fonde en 1901 le Syndicat général de l’industrie cotonnière française, renforçant les liens entre industrie et colonies. Son engagement pour une alliance entre agriculture et industrie se concrétise dès 1893, lorsqu’il prend la tête de l’Association de l’industrie et de l’agriculture française. Il y défend le « travail national » contre les effets du libre-échange, dans une logique de souveraineté économique. Méline incarne un républicanisme modéré, tentant de concilier catholiques et laïques. Son gouvernement (1896–1898) est vu comme une tentative d’apaisement, vite mise à mal par les tensions liées à la loi de Séparation des Églises et de l’État en 1905. Contrairement à Ferry ou Clemenceau, Méline ne laisse pas de courant politique derrière lui. Son héritage est surtout économique et social. Le « mélinisme » devient synonyme de protectionnisme agricole. Le tarif Méline de 1892 influence durablement la politique française de l’Entre-deux-guerres, bien que critiqué plus tard pour avoir freiné la modernisation du secteur. Jules Méline meurt en 1925, célébré comme un homme d’État visionnaire. Son œuvre, entre terre et industrie, continue de résonner dans les débats sur l’économie nationale et la souveraineté alimentaire.

L’article Jules Méline, le dernier souffle d’un républicain agrairien est apparu en premier sur VosgesMAG.