par Céline Cadieu-Dumont, Directrice des Archives départementales des Vosges,À l’occasion du centenaire de sa disparition, retour sur le parcours d’un homme politique majeur, profondément enraciné dans les Vosges et acteur influent de la Troisième République.
Son nom résonne dans les rues, les écoles et les salles de réunion des Vosges, mais qui était vraiment Jules Méline ? Né à Remiremont en 1838, cet avocat de formation s’est imposé comme une figure incontournable de la vie politique française, tout en restant fidèle à ses racines vosgiennes.
Dès la chute du Second Empire, le 4 septembre 1870, Méline entre en politique. Après un passage à Paris, il revient rapidement dans les Vosges où il est élu conseiller général du canton de Corcieux en 1871, puis député des Vosges un an plus tard. Il conservera ce mandat jusqu’à son élection au Sénat en 1903, qu’il occupera jusqu’à sa mort en 1925. Son engagement local est remarquable : vice-président du Conseil général des Vosges en 1883 aux côtés de Jules Ferry, il lui succède en 1893 et dirige l’institution jusqu’en 1907. Trente-six années d’action locale au service de son territoire.
Républicain modéré, Méline devient ministre de l’Agriculture sous Jules Ferry (1883–1885), puis président du Conseil (équivalent de Premier ministre) de 1896 à 1898. Son gouvernement se distingue par des mesures sociales pionnières : législation sur les accidents du travail, hygiène et sécurité des ouvriers, soutien aux sociétés de secours mutuel. Il œuvre également à un rapprochement entre républicains modérés et catholiques, dans un esprit d’apaisement après les tensions anticléricales.
En matière économique, Méline défend un protectionnisme assumé. En 1892, il fait voter le célèbre tarif Méline, destiné à protéger les intérêts agricoles et industriels français face à la concurrence étrangère. Il est également à l’origine de la loi de 1894 sur les sociétés locales de crédit agricole, facilitant l’accès au financement pour les exploitants.
Son attachement au monde rural transparaît dans ses écrits, notamment « Retour à la terre » (1905) et « Salut par la terre » (1919), où il affirme : « La France ne doit pas abandonner ses campagnes à la misère. » Il y défend les petites exploitations, la modernisation de l’élevage et la création de coopératives. Pour lui, « l’économie française peut être assimilée à un arbre dans lequel l’industrie représente les feuilles, et l’agriculture, le tronc et les racines ».
À 77 ans, en pleine Première Guerre mondiale, il est rappelé au gouvernement comme ministre de l’Agriculture en octobre 1915, sous Aristide Briand.
Jules Méline meurt le 21 décembre 1925 à Remiremont, où il est inhumé devant une foule nombreuse. Plus qu’un homme d’État, il fut un passeur entre le monde rural et la modernité républicaine, un élu de proximité doté d’une vision nationale. Son œuvre, à la fois locale et nationale, mérite d’être redécouverte.
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